2011 Les terres cuites de type grec en Illyrie méridionale et en Épire du Nord Nationalité: Albanie
Catégorie: Archéologie
Description du Projet:

1. Origines, situation du sujet de recherche

Le sujet de recherche trouve ses origines dans ma participation, depuis 2003, à la Mission archéologique franco-albanaise de Durrës qui étudie, entre autres catégories du matériel, les figurines votives de l’Artémision de la cité antique d’Épidamne-Dyrrhachion. L’intérêt de décrire le contexte général dans lequel s’insère le lot si abondant des terres cuites votives qui forme l’objet principal de cette mission, et surtout, plus généralement, celui d’examiner la place des produits de l’artisanat de la coroplathie dans le milieu Illyrien (que recouvre en grande partie l’Albanie actuelle), ont donné lieu, en 2005, à la signature d’une Cotutelle de Thèse entre l’Université Charles-de-Gaulle – Lille 3 et l’Institut d’Archéologie de Tirana, sous la direction conjointe de Prof. Arthur Muller pour la partie française et Ass. Prof. Iris Pojani pour la partie albanaise. La thèse, intitulée Terres cuites de type grec en Illyrie méridionale et en Épire du nord, a été soutenue en décembre 2009.

Le sujet de la coroplathie est pratiquement neuf dans la recherche archéologique albanaise dont la naissance et le développement sont aussi récents : ils ne datent que d’après la Deuxième Guerre mondiale. Jusqu’à la fin des années 1980, la recherche s’était surtout attachée à démontrer, à travers l’onomastique et dans une moindre mesure la culture matérielle, le caractère autochtone et original de la population illyrienne. Dans les rares cas où elles ont été utilisées à l’appui de cette thèse, les figurines de terre cuite ont été sur-interprétées ; mais le plus souvent, elles ont été tout simplement négligées, au mieux publiées de façon sommaire : il n’est presque jamais tenu compte du contexte des trouvailles. D’autre part, les publications sont toujours très évasives sur tous les aspects techniques et ignorent le détail des processus techniques qui permettent aujourd’hui de caractériser les productions. Enfin, quand aux commentaires sur la fonction et la signification de ces objets, ces travaux sont tombés – et ce n’est pas propre d’ailleurs à la recherche albanaise –, dans le travers d’une interprétation traditionnelle à l’origine de plusieurs erreurs ou du moins d’affirmations insuffisamment argumentées. Il est temps de replacer ces objets dans le cadre de la culture grecque et méditerranéenne qui est le leur, revu à la lumière du progrès actuel de la recherche sur leurs interprétation et fonction.

L’ouverture récente de l’archéologie albanaise, depuis le début des années 1990, a multiplié les contacts avec les équipes étrangères et les spécialistes de ce domaine précis de la culture matérielle antique : ils ont permis de cerner l’intérêt d’entreprendre, de façon globale et avec des méthodes actuelles, l’étude de l’ensemble des trouvailles qui peuvent être mises en relation avec la coroplathie.

2. La méthode

Les objectifs principaux de la recherche doctorale ont été de connaître, dans la mesure du possible, d’un côté le contexte général, de l’autre, d’examiner la place des produits de l’artisanat de la coroplathie dans le milieu de l’Illyrie méridionale et une partie de l’Épire du nord. L’intention d’établir une base documentaire la plus complète possible a suggéré de présenter cette recherche d’abord sous la forme d’un double corpus : corpus des sites et contextes qui ont livrés des trouvailles relatives au domaine de la coroplathie, corpus des objets.

À partir des données de fouille, le corpus des sites et des contextes qui ont livré ces trouvailles relatives au domaine de la coroplathie, a eu pour objectif de caractériser et de documenter chacun d’eux du point de vue fonctionnel et spatial d’une part – nécropole, sanctuaire, habitat ou atelier – du point de vue culturel ensuite – site grec, illyrien, au « mixte ».

Le deuxième corpus est celui des objets – figurines d’une part, outils de production de figurines de l’autre ; il est constitué suivant les méthodes en vigueur dans les études récentes. Le traitement a été mené d’un triple point de vue : technique, stylistique et iconographique, de façon à rendre exploitables les données dans différentes directions : l’approche stylistique, l’approche technique et la caractérisation culturelle de ces objets.

3. Résultats scientifiques déjà acquis

Les résultats obtenus résident dans le traitement complexe, d’un côté des objets et de l’autre, des contextes de trouvailles, dans une double perspective : celle du fonctionnement d’un artisanat d’art (fabrication des terres cuites figurées, caractérisation des ateliers de production et questions relatives à leur localisation) et celle de la « consommation » des figurines dans le cadre d’une piété populaire qui dépasse largement les limites de la zone géographique prise en considération.

Les images représentées pas ces figurines trouvent beaucoup de parallèles dans un espace géographique assez vaste, dans tout le bassin méditerranéen. Les influences d’ordre stylistique viennent de Corinthe et de Corcyre, pour les types les plus anciens, mais aussi d’Attique et surtout d’Italie méridionale. Les rapports établis entre les grands centres créateurs et producteurs de figurines et l’espace géographique pris en considération semblent avoir fonctionné à travers les fondations coloniales sur la côte d’Adriatique, Épidamne-Dyrrhachion et Apollonia. Ce sont ces colonies qui ont été dans un premier temps les réceptacles des influences et des objets mêmes, selon diverses modalités d’échanges et de diffusion. Dans un deuxième temps, les fondations coloniales ont joué le rôle de centres de rediffusion vers d’autres sites de l’arrière-pays.

Les influences ne concernent pas seulement les caractéristiques stylistiques, mais surtout l’utilisation cultuelle : la « consommation » des figurines. Les données disponibles pour la période comprise entre le milieu du VIe et le Ier siècle après J.-C., établie par le cadre chronologique de nos figurines, révèlent deux aspects importants :

– un répertoire iconographique très diversifié, nettement dominé par les représentations anthropomorphiques. Parmi elles, les représentations féminines sont de loin les plus nombreuses. Elles se présentent sous la forme de protomé et de statuettes, chacune s’articulant en de nombreux types iconographiques. Mais au delà de l’adoption de ces types iconographiques, la qualité de fabrication n’est que rarement à la hauteur des modèles grecs.

– une forme d’utilisation comme offrande aux divinités féminines et comme mobilier dans les tombes, principalement de femmes et d’enfants, qui ne diffère pas des habitudes votives et funéraires grecques.

En cela, les terres cuites sont révélatrices de la profonde assimilation des habitudes grecques dans le milieu illyrien, bien au-delà des colonies grecques d’Épidamne-Dyrrhachion et d’Apollonia : l’Illyrie et l’Épire du Nord sont partie intégrantes de la Méditerranée grecque.

Biographie de l’Auteur:

Belisa Muka est née à Tirana (Albanie) en 1977. Depuis 2000 elle est chercheuse à l’Institut d’Archéologie du Centre d’études albanologiques de la République d’Albanie. Depuis 2012, elle est la Directrice du Département d’Antiquité ; en 2014 elle est promue Professeur Associé.

Sa formation en archéologie a un caractère international : en Turquie, en Angleterre et en France, avec des stages de terrain en Turquie, en Albanie et des séjours de recherche à l’École française d’Athènes.

Belisa Muka participe de façon régulière à de nombreuses missions albano-étrangères à Apollonia, Phoinikè, Durrës, Dimal, et désormais elle est la codirectrice de l’une d’elles (Dimal) : son expérience du terrain est déjà des plus variées et couvre un large spectre, de l’archéologie monumentale à l’archéologie domestique et à celle funéraire.

Ses études doctorales menées brillamment en France, sont couronnées par la plus haute mention (Université de Lille 3, décembre 2009) et reconnues par l’attribution du Prix Marc de Montalembert, Paris, en 2011.

Elle participe régulièrement  à des manifestations scientifiques en Albanie, en France, en Italie, en Grèce. Elle a une liste déjà enviable de publications, comme seule auteur et comme co-auteur, dans des registres très variés de l’archéologie : rapport de fouille, études de monuments, études d’artefacts.

Résultat du projet:

Communications scientifiques et Publications apparues en 2011 et 2012 à la suite du Prix Marc de Montalembert 2011 :

Au Colloque international Archeologia in Albania. Incontro di studi, Cavallino-Lecce 29-30 avril 2011, organisé par l’Université de Salent (Italie), a été présentée une communication qui donne un panorama général sur les recherches coroplathiques en Albanie et la problématique liée à l’interprétation et fonction des terres cuites figurées dans le cadre de la piète populaire:

–        B. Muka, « Recherches coroplathiques en Illyrie méridionale et en Épire »

Publication

–   B. Muka, « Recherches coroplastiques en Illyrie méridionale et en Épire », in G. Tagliamonte (édt.) Ricerche archeologiche in Albania, Incontro di studi, Cavallino-Lecce, 29-30 aprile 2011, Roma 2014, p. 133-144